Publié par Paroisse de Genlis

Frères,
A vous la grâce et la paix,
de la part de Dieu notre Père
et du Seigneur Jésus Christ.
Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet,
pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ;
en lui vous avez reçu toutes les richesses,
toutes celles de la Parole
et de la connaissance de Dieu.
Car le témoignage rendu au Christ
s’est établi fermement parmi vous.
Ainsi aucun don de grâce ne vous manque,
à vous qui attendez
de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.
C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout,
et vous serez sans reproche
au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
Car Dieu est fidèle,
lui qui vous a appelés à vivre en communion
avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

DEUXIÈME LECTURE – lecture de la première lettre de l’apôtre Paul aux Corinthiens 1, 3-9

L'Avent comme une mise en perspective.

En cherchant une image qui puisse nous aider à entrer dans ce texte de Paul, il m’est venu celle de la boussole : quoi qu’il arrive, une boussole digne de ce nom, vous indiquera toujours le Nord ; irrésistiblement, elle y revient toujours ; pour Paul, un chrétien est comme une boussole : il est tourné vers l’Avenir… et il faut écrire A-Venir en deux mots.
Si Paul prend la plume pour écrire aux Corinthiens, c’est parce qu’ils avaient un peu perdu le Nord sur certains points justement. Alors il leur rappelle ce qui fait à ses yeux la première caractéristique des Chrétiens, l’attente : « Vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ ». Les chrétiens ne sont pas tournés vers le passé mais vers l’avenir.
Bien sûr, si cette lecture nous est proposée pour le premier dimanche de l’Avent, c’est parce que, précisément, l’Avent est le temps où nous redécouvrons toutes les dimensions de l’Attente chrétienne, où nous nous remettons dans la perspective de l’A-Venir que Dieu nous promet.
A un premier niveau, l’Avent est d’abord le Temps de préparation à Noël ; nous serons invités à commémorer un événement historique : la venue du Christ dans l’histoire des hommes. L’Avent est le temps de la préparation de cet anniversaire. Et donc, chaque année, à pareille époque, nous relisons dans la Bible les annonces des prophètes, les promesses de Dieu : promesses de salut, c’est-à-dire de bonheur. Le même thème revient sans cesse sous des formes différentes : « Réjouissez-vous… Le Seigneur vient vous sauver »… Parfois, les promesses se précisent : c’est Isaïe qui dit « La Vierge enfantera », ou Jérémie (23, 5) « Je ferai naître chez David un germe de justice »…
Mais l’histoire du salut ne s’arrête pas à la crèche de Bethléem. Cette attente, nous la vivons encore aujourd’hui pour notre propre compte. Nous venons de célébrer la Fête du Christ-Roi, et nous avons eu raison : oui, le Christ est Roi… DEJA par sa mort et sa Résurrection, car DEJA la vie a vaincu la mort, DEJA l’amour a vaincu l’indifférence et la haine. Mais son Royaume n’est pas encore pleinement réalisé : il suffit de lire les journaux, d’écouter la radio ou de regarder la télévision, ou plus simplement de regarder en nous et autour de nous, pour en être convaincus !
Le Christ sera pleinement roi lorsque, en chacun de ses frères, l’amour sera roi. C’est cela que nous attendons en même temps que le retour du Christ. Nous attendons la manifestation définitive de sa victoire à la tête de l’humanité : une humanité tout entière enfin libérée de l’esclavage du péché et de la mort. Nous sommes le peuple porteur de cette espérance. Même quand le mal, la haine, la violence, le racisme semblent mener l’histoire du monde, nous croyons, nous sommes sûrs que le Mal n’aura pas le dernier mot. Selon un mot du Père Joseph Templier « La défaite du Mal est programmée et elle est définitive ». Si bien qu’il faut savoir lire les textes de ces dimanches de l’Avent à trois niveaux :
premier niveau : l’attente du Messie dans le peuple juif, depuis David, jusqu’à la naissance de Jésus à Bethléem.
deuxième niveau : le salut déjà accompli en Jésus-Christ : celui que Jésus inaugure par sa mort et sa résurrection ; l’humanité est enfin capable dans l’un des siens (Jésus) d’être pleinement accordée à l’Amour et à la volonté du Père ; c’est-à-dire de vivre à plein et exclusivement les valeurs de l’amour, du partage, de la solidarité, de la douceur, du pardon.
troisième niveau : notre attente du Jour de Dieu, du déploiement définitif et universel de la victoire de Christ, du royaume de Dieu. Ce Jour-là, c’est l’humanité tout entière qui vivra ces valeurs qu’incarnait Jésus-Christ. Et nous savons que ce n’est pas seulement un beau rêve, puisque Jésus nous a montré que cela était possible.
Par exemple, quand Paul dit à ses frères de Corinthe « A vous la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ », ce n’est pas une simple formule de politesse ni même un souhait affectueux ; il parle comme toujours dans la perspective du projet de Dieu. La « grâce et la paix », c’est une manière de dire le projet de Dieu : la grâce, c’est l’attribut même de Dieu, on pourrait traduire « amour », « don gratuit », présence aimante de Dieu. Etre dans la grâce, c’est être en communion avec Dieu ; la paix en est la conséquence à notre échelle. Or le projet de Dieu, c’est précisément cela : faire entrer définitivement l’humanité tout entière dans la communion d’amour de la Trinité.
Et Saint Paul, ici, se situe aux trois niveaux dont je parlais tout-à-l’heure : on les lit très clairement dans ce passage :

Le chemin de la grâce.

premier niveau : ce projet de Dieu, grâce et paix, est prévu de toute éternité ; et tout au long de l’histoire biblique, le peuple élu en a pris de mieux en mieux conscience.
deuxième niveau : la grâce est déjà donnée, ce projet de Dieu est déjà inauguré en Jésus-Christ ; Saint Paul dit aux Corinthiens « Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée (c’est au passé) dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu. »
troisième niveau : « Que la grâce et la paix vous soient données… à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ. C’est lui qui vous fera tenir solidement jusqu’au bout… » En d’autres termes, il vous aidera à ne pas perdre le Nord, ou à le retrouver si vous l’aviez momentanément perdu. Et pour alimenter le courage de ses Corinthiens (et le nôtre), Paul ajoute : « Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur ».
L’Avent est le temps par excellence où nous nous rappelons sans cesse la fidélité de Dieu à son projet pour y puiser la force de le faire avancer chacun à notre mesure.

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Complément
Au verset 7, le mot qui a été traduit « Vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ » est dans le texte grec « attendant la révélation (apocalupsis) de notre Seigneur Jésus-Christ ».

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, restez éveillés :
car vous ne savez pas
quand ce sera le moment.
C’est comme un homme parti en voyage :
en quittant sa maison,
il a donné tout pouvoir à ses serviteurs,
fixé à chacun son travail,
et demandé au portier de veiller.
Veillez donc,
car vous ne savez pas
quand vient le maître de la maison,
le soir ou à minuit,
au chant du coq ou le matin.
S’il arrive à l’improviste,
il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.
Ce que je vous dis là,
je le dis à tous :
Veillez ! »

EVANGILE – Saint Marc 13, 33 – 37

PRENEZ GARDE, VEILLEZ

Dans le passage qui précède tout juste celui-ci, Jésus vient de parler à ses disciples de ce qu’il appelle « la venue du Fils de l’homme » et il a ajouté « Ce jour ou cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, personne sinon le Père. » (Mc 13, 32).
Et il en déduit pour ses disciples ce que nous venons d’entendre : si lui, le Fils, comme il se nomme lui-même, ne connaît pas l’heure de sa venue, nous la connaissons encore moins ; et donc, il ajoute : « Prenez garde, veillez (au sens de « restez éveillés »), car vous ne savez pas quand ce sera le moment ». On a bien l’impression que cela veut dire « vous pourriez vous laisser surprendre ».
La suite du texte va tout à fait dans ce sens : « Vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin » : le « chant du coq », c’est très probablement une allusion au reniement de Pierre (on sait que Marc était très proche de Pierre) ; cette phrase est une mise en garde : si vous n’êtes pas attentifs au jour le jour, il peut vous arriver de me renier sans y prendre garde.
Quelques heures avant cette défaillance de Pierre, Jésus, à Gethsémani, avait dit aux trois apôtres qui l’accompagnaient : « Veillez et priez afin de ne pas entrer au pouvoir de la tentation » (Mc 14, 38). Et il avait ajouté : « L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible »… Manière de dire à quel point nous sommes perpétuellement écartelés entre les valeurs du Royaume et le retour à l’égoïsme, l’indifférence, la lâcheté.
Voilà qui éclaire notre texte d’aujourd’hui : « veiller » veut dire « prier » ; non pas prier le Père de réaliser son Royaume lui-même, tout seul, sans nous. Ce n’est pas son projet. Mais prier pour être remplis de son Esprit et désormais regarder le monde, qui est la matière première du Royaume, avec les yeux de Dieu si j’ose dire. Et alors, pouvoir agir dans le sens du Royaume.
Vous connaissez la leçon de Luc sur la prière : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira. Quel père parmi vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson ? Ou encore s’il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit saint à ceux qui le lui demandent. »
Oui, le Jour et l’heure sont le secret de Dieu… « Nul ne les connaît sinon le Père », comme dit Jésus ; mais ce n’est pas une raison pour s’inquiéter, l’Esprit est avec nous. Encore faut-il le prier, c’est-à-dire le désirer ; il ne nous envahira pas contre notre gré.
Du coup, cela éclaire en quoi consiste la tentation : « Veillez et priez afin de ne pas entrer au pouvoir de la tentation », dit Jésus ; et dans le texte d’aujourd’hui, il s’est comparé à un maître de maison qui part en voyage : « Il a laissé sa maison, confié à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche, et il a donné au portier l’ordre de veiller. » La tentation, en quelque sorte, c’est de dormir, c’est-à-dire de négliger la maison ; or on est tout à la fin de l’évangile de Marc, à quelques jours de la fête de la Pâque, c’est-à-dire juste avant la Passion ; tout comme la parabole du jugement dernier chez Matthieu, que nous lisions pour la fête du Christ-Roi ; il me semble que la leçon est la même : avec Matthieu, nous avions compris que « veiller » veut dire « veiller sur » nos frères, afin que grandisse le Royaume dans lequel tout homme sera roi. Marc, lui, a pris une autre image : il dit « votre mission, c’est de veiller sur la maison » !

GARDIENS DE LA MAISON DE DIEU

Nous voilà promus gardiens de la maison de Dieu ! « Il en est comme d’un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller. » Nous sommes ces serviteurs, ce portier. Voilà la Bonne Nouvelle extraordinaire qui nous sera répétée tout au long de l’Avent : nos vies, si modestes soient-elles, peuvent contribuer à la gestation de l’humanité nouvelle ; c’est ce qui fait notre grandeur ; c’est peut-être bien l’une des raisons pour lesquelles personne, pas même le Fils (tant qu’il était parmi nous) ne connaît l’heure de l’avènement définitif du Royaume : c’est que nous avons notre part dans sa construction.
Et il me semble que c’est le message le plus urgent que nous devrions transmettre à nos jeunes ; cela suppose, évidemment, que nous n’attendions pas l’avènement du Royaume de Dieu comme on attend le train, mais que notre attente soit active !
Mais notre problème, justement, c’est que, bien souvent, nous restons passifs, ou pire, nous oublions que nous attendons quelque chose, ou mieux Quelqu’un ! Et alors, nous occupons le temps à autre chose ; mais occuper le temps à autre chose, quand il s’agit du Royaume de Dieu, évidemment, c’est grave. Et c’est pour cela que Jésus met ses apôtres en garde. Et Saint Pierre, qui a certainement avoué son reniement à Marc, ne le sait que trop.
Voilà donc notre raison de vivre : et quel programme ! Portiers de la maison de Dieu : il nous revient d’y faire entrer tous les hommes. Sans oublier la leçon de la parabole des talents : le maître de maison nous fait confiance, il nous confie ses trésors. La seule réponse digne de l’honneur qu’il nous fait consiste à lui faire confiance en retour et à nous retrousser les manches ! Ce n’est pas le moment de nous occuper à autre chose !
Mais, ne nous inquiétons pas : en partant « il a donné tout pouvoir à ses serviteurs » !

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