Publié par Paroisse de Genlis

Une lettre du Père Jean-Louis Portay, curé de nos paroisse et le commentaire de l’évangile de l’aveugle-né.
Paroisse de Genlis & Saint Just de Bretenières

Bon dimanche à vous tous

Je célèbrerai la messe à la chapelle de Genlis comme tous les matins à 09h30  et au cours de cette messe je prierai pour toutes les intentions qui étaient prévues sur la feuille d’annonces mais aussi bien sûr pour tous les défunts de cette épidémie et pour toutes les personnes qui œuvrent pour aider, soigner, accompagner les personnes quelles qu’elles soient qui sont dans le besoin.

Je vous joins le commentaire que je vous aurais partagé si nous avions été ensemble.

Même confinés, la Parole de Dieu doit continuer à circuler.

Encore bon dimanche

Commentaire de l'évangile (selon saint Jean 11,1-45).

Lazare, viens dehors.

Banal ?

La mort, au fond, c'est un phénomène banal, courant. On ouvre chaque matin son journal : notre premier geste est de lire la rubrique nécrologique, pour voir s'il n'y a pas, parmi les morts du jour, quelqu'un qu'on connaît. On voit passer un enterrement : on se dit : "Tiens, il y a quelqu'un de mort dans le quartier !" Phénomène banal ! C'est une éventualité dans notre vie. Mais une éventualité qu'on évacue rapidement de notre esprit, dans le "divertissement". On n'y pense pas. Il vaut mieux ne pas y penser.

Par contre, quand la mort est proche de nous, quand il s'agit d'un parent, de quelqu'un que nous avons bien connu, la mort d'un être proche et aimé est toujours pour nous un déchirement. On ne l'accepte pas facilement. On cherche des responsables. On en arrive même à se culpabiliser. Et, que l'on soit croyant ou non, on se tourne vers Dieu, au moins pour la lui reprocher, cette mort qui nous scandalise. Comme disait Marthe à Jésus : "Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort." Nous aujourd'hui, nous disons : "Mais, Dieu, qu'est-ce qu'il fait ? ", ou encore : "Qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu ?", ou alors : "S'il y avait un Bon Dieu !". De toutes façons, on se tourne vers Dieu. On écrit même dans les faire-part des journaux : "Il a plu au Seigneur de rappeler à Lui son fidèle serviteur." Non, cela ne lui plait pas, il n’aime pas la mort. Qu'est-ce que Dieu a donc à voir avec la mort ?

Un Dieu qui pleure

Il a quelque chose à voir. Mais pas de la manière qu'on croit. Et pas Dieu tel qu'on l'imagine trop souvent. Relisons l'Evangile de la résurrection de Lazare. Il nous dit quelque chose de très important sur le Dieu de Jésus-Christ et sur notre destinée humaine. Pour bien comprendre cela, il faut nous rappeler cette phrase que Jean l'Evangéliste écrit dans le prologue de son livre : "Dieu, personne ne l'a jamais vu. Seul Jésus, le Fils, nous le fait connaître." En regardant vivre Jésus, j'ai sous les yeux la seule image visible du Dieu invisible.

Or, dans ce passage d'Evangile, il y a une première chose qui m'intéresse : je vois Jésus qui pleure en arrivant au tombeau de son ami Lazare. Et j'apprends ainsi que Jésus, fils de Dieu, donc Dieu lui-même, pleure la mort de ses amis ; qu'il pleure sur la mort de tout homme qu'il aime, sur ma propre mort, sur la mort de vous tous. C'est exactement le contraire de l'idée que j'ai, que nous avons de Dieu : un Dieu impassible, insensible, un Dieu qui punit, un Dieu qui donne la mort. Non ! Pour l'Evangile, Dieu, c'est celui qui pleure la mort de ses amis. Dieu ne peut pas être assimilé à une puissance qui donne la mort. Il est du côté de la vie. Il est la vie : "Je suis la résurrection et la vie", déclare Jésus.

La mort = un passage

Allons plus loin dans notre recherche. Regardons de plus près le récit de la résurrection de Lazare. Certes, la mort est un phénomène qui ne peut pas nous être épargné. Mon corps, comme tout ce qui est matière, est mortel. Tout ce qui est vivant est mortel, dans le règne végétal comme dans le règne animal. Je ne peux pas prétendre vivre éternellement avec mon corps : les cellules de mon corps vivent, grandissent, se développent, puis meurent. Tout ce qui est vivant meurt. Mais voici que, pour Jésus, ce phénomène naturel qu'est la mort n'est pas une fin définitive, éternelle : la mort n'est qu'un passage. Vous avez entendu Jésus qui dit, en parlant de Lazare : "Lazare, notre ami, dort." Et c'est ainsi que Jésus décrit la mort humaine. La mort ne peut s'installer à demeure chez l'homme. Et c'est une très belle image que celle de la mort considérée comme un sommeil. Je m'enfonce dans la mort, je plonge dans la mort comme, tous les soirs, je plonge dans le sommeil. Cette mort est une espèce de perte de conscience de moi-même, comme lorsque je m'endors. Mais je sais que demain je me réveillerai à une journée nouvelle, à une vie nouvelle. C'est comme si Jésus nous disait : Il y a en chacun de nous un principe actif de vie indestructible. Et cette puissance est déjà à l'œuvre en nous. L'intervention de Dieu ne se produit pas après la mort, à la fin des temps. Elle se produit tout le temps, à chaque instant de notre existence. Lorsque Jésus demande à Marthe si elle croit à la résurrection, elle répond : "Oui, je crois à la résurrection qui aura lieu à la fin du monde." Jésus lui dit alors : "Non ! Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, bien sûr, il passe par la mort, mais je peux t'assurer que par-delà la mort, il vivra." Parce que Dieu, c'est la vie. Et nous avons reçu au baptême la vie de Dieu, la vie éternelle. Non pas la vie plus tard, mais la vraie vie déjà commencée aujourd'hui.

Réveille-toi

Ainsi, je peux lire le geste de Jésus rendant la vie à Lazare comme un signe. Un signe de sa propre résurrection et un signe de notre résurrection. Le philosophe Gabriel Marcel disait : "Aimer quelqu'un, c'est lui dire : Toi, tu ne mourras pas." Eh bien, c'est ce que fait le Père pour son Fils bien-aimé, prototype (premier-né) de tous les chrétiens. Lui aussi, Jésus, passera par la mort humaine. Le soir du vendredi, sur la croix, il s'endort en prononçant la prière du soir comme tout bon Juif et tout bon chrétien à complies : "Entre tes mains, Seigneur, je remets ma vie." Et son sommeil n'est qu'un sommeil passager, jusqu'au matin du troisième jour. Vous savez sans doute que lorsque la première génération chrétienne a cherché un mot pour rendre compte de l'expérience dont ses membres ont été les témoins éblouis, la résurrection de Jésus, elle a employé deux mots : "Eveiller" et "Relever". Elle dit : Jésus s'est éveillé...Dieu l'a réveillé...Il l'a relevé."

Aimer quelqu'un, c'est lui dire : "Toi, tu ne mourras pas." C'est aussi ce que Dieu fait pour chacun des hommes qu'il aime. A chacun de nous il dit : "Toi, je t'aime. Tu ne mourras pas. Ta mort humaine n'est qu'un passage. Moi, je te réveillerai."

Signes de résurrection

Il y a déjà dans notre vie des signes de résurrection. Il s'agit de les voir. Déjà Ezéchiel disait au peuple juif en déportation : "Mais, regardez donc les signes de résurrection dans votre vie, même pour vous, qui êtes captifs à Babylone." Pour nous aujourd'hui, il en va de même. Souvent, on ne regarde que ce qui ne va pas. Dieu, au contraire, nous invite aujourd'hui à regarder ce qui renaît, ce qui repart, ce qui réussit, ce qui marche. Tout cela, c'est une illustration de la puissance de vie à l'œuvre dans le monde. Ce peut être la maîtrise des éléments de la nature : regardez combien de réussites en ce domaine. Je sais bien qu'il peut y avoir un risque de se comporter en maîtres irresponsables du cosmos. Mais je sais aussi tous les efforts pour mettre en valeur notre terre, pour la protéger, pour la sauver. Regardez également les découvertes de la médecine pour soulager, prolonger la vie, et parfois même guérir. Regardez les progrès sur le plan de l'émancipation des peuples. Regardez combien d'hommes travaillent pour que tous puissent avoir un élémentaire niveau de vie. J'arrête là mon énumération. Vous pouvez continuer. Ils sont nombreux, les signes de résurrection, les signes d'une réussite de notre humanité. Soyons attentifs à tout ce qui naît, à tout ce qui surgit, même dans la crise économique que nous vivons, sans doute à cause de cette crise qui oblige les hommes à un sursaut créateur.

Il ne suffit pas de lire les signes de résurrection. Il faut être nous-mêmes des signes de résurrection. Dans tous les actes de notre vie, dans toutes nos attitudes, et même quand nous rencontrons l'échec, la souffrance, la mort. Car la mort n'est pas éternelle. Être des signes de résurrection, c'est croire que, par-delà la nuit, il y a la lumière du jour. Le croyons-nous ?

Secrétariat des paroisses de Genlis & Saint Just de Bretenières

2, rue Aristide Briand 21110 GENLIS

( :03 80 79 10 15

Secretariat.paroisses@laposte.net

 

Quelques informations...

Le Carême est un temps de préparation de quarante jours à la fête de Pâques, cœur de la foi chrétienne, qui célèbre la résurrection du Christ.

Ces quarante jours  nous permettent de revivre avec le Christ au désert les quarante années de la marche des Hébreux vers la terre promise.

C’est la même expérience d’intimité avec Dieu que souhaite revivre toute la communauté des croyants, baptisés ou candidats au baptême, alors qu’elle se met en route vers Pâques.

Coronavirus : Appel à la prière à Notre-Dame de Bon Espoir
Publié le 16 mars 2020

Mgr Roland Minnerath, archevêque du diocèse de Dijon, a publié ce lundi matin le texte suivant :

« Notre Dame de Bon Espoir a été le refuge des chrétiens de Dijon et de tout le diocèse aux jours d’épreuve et de tribulations. Elle a protégé la ville en 1513 et 1944. Alors qu’avec nos concitoyens nous luttons contre la propagation du virus covid-19, nos eucharisties et nos célébrations publiques sont supprimées. Mais il est toujours possible de prier chez soi et en famille.

Je vous invite à vous tourner vers Notre Dame de Bon Espoir à l’aide de la prière ci-jointe. Cette prière pourrait être dite chaque jour à midi, dans un mouvement de communion spirituelle avec les personnes isolées, pendant toute la durée

DIocèse de Dijon

Quelques liens...

LECTURE DU LIVRE DU PROPHÈTE ÉZÉKIEL  37,12-14

 

12        Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu.      
            Je vais ouvrir vos tombeaux
            et je vous en ferai remonter              
            ô mon peuple,
            et je vous ramènerai sur la terre d'Israël.
13        Vous saurez que je suis le SEIGNEUR,      
            quand j'ouvrirai vos tombeaux          
            et vous en ferai remonter,                 
            ô mon peuple !
14        Je mettrai en vous mon esprit,                      
            et vous vivrez ;          
            je vous donnerai le repos sur votre terre.      
            Alors vous saurez que je suis le SEIGNEUR :
            J’ai parlé        
            et je le ferai.   
            - Oracle du SEIGNEUR.
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Ce texte est très court mais on voit bien qu’il forme une entité : il est encadré par deux expressions similaires ; au début « Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu », à la fin « Parole du SEIGNEUR ». Un cadre qui a évidemment pour but de solenniser ce qui est encadré. Chaque fois qu’un prophète juge utile de repréciser qu’il parle de la part du SEIGNEUR, c’est parce que son message est particulièrement important et difficile à entendre.

Le message d’aujourd’hui, c’est donc ce qui est encadré : c’est une promesse répétée deux fois et adressée au peuple de Dieu, puisque Dieu dit « ô mon peuple » ; les deux fois, la promesse porte sur deux points : premièrement « je vais ouvrir vos tombeaux », deuxièmement « je vous ramènerai sur la terre d’Israël », ou « Je vous installerai sur votre terre », ce qui revient au même. Ces expressions nous permettent de situer le contexte historique : le peuple est en exil à Babylone, réduit à la merci des Babyloniens, il est anéanti (au vrai sens du terme, réduit à néant), comme mort, c’est pourquoi Dieu parle de tombeaux.

Et donc l’expression « je vais ouvrir vos tombeaux » signifie que Dieu va relever son peuple. Si vous avez la curiosité de vous reporter à votre Bible, au chapitre 37 d’Ézékiel, vous verrez que notre petit texte d’aujourd’hui fait suite à une vision du prophète qu’on appelle « la vision des ossements desséchés » et il en donne l’explication. Je vous rappelle cette vision : le prophète voit une immense armée morte, gisant dans la poussière ; et Dieu lui dit : tes frères sont tellement désespérés dans leur Exil qu’ils se disent morts, finis... eh bien, moi, Dieu, je les relèverai.

Et toute cette vision et son explication que nous avons lue aujourd’hui, évoquent cette captivité du peuple exilé et son relèvement par Dieu. Car, pour le prophète Ézékiel, c’est une certitude : le peuple ne peut pas être éliminé parce que Dieu lui a promis une Alliance éternelle que rien ne pourra détruire ; donc, quelles que soient les défaites, les brisures, les épreuves, on sait que le peuple survivra  et qu’il retrouvera sa terre, parce qu’elle fait partie de la promesse. « Je vais ouvrir vos tombeaux, ô mon peuple, je vous ramènerai sur la terre d’Israël » : au fond ces phrases n’ont rien d’étonnant : depuis toujours, le peuple d’Israël sait que son Dieu est fidèle ; et l’expression « Vous saurez que je suis le SEIGNEUR » dit justement que c’est à sa fidélité à ses promesses que l’on reconnaît le vrai Dieu.

Mais pourquoi répéter deux fois à peu près les mêmes choses ? À dire vrai, la deuxième promesse ne se contente pas de répéter la première, elle l’amplifie : elle redit bien « J’ouvrirai vos tombeaux et je vous en ferai sortir, ô mon peuple ! Je vous installerai sur votre terre, et vous saurez que je suis le SEIGNEUR » et tout cela au fond c’est le retour à l’état antérieur avant le désastre de l’exil à Babylone ; mais dans cette deuxième promesse, il y a autre chose, il y a beaucoup plus, il y a du neuf, du jamais vu : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez » ; c’est la nouvelle Alliance qui est dite là : désormais la loi d’amour sera inscrite non plus sur des tables de pierre, mais dans les cœurs. Ou pour reprendre une autre formule d’Ézékiel, les cœurs humains ne seront plus de pierre mais de chair.            

Ici, donc, il n’y a pas d’hésitation possible, la répétition de la formule « ô mon peuple » montre clairement que ces deux promesses annoncent un sursaut, une restauration du peuple. Il n’est pas question ici d’une résurrection individuelle : pas plus qu’aucun des prophètes de son époque, Ézéchiel n’envisage encore une chose pareille. En fait, le peuple d’Israël n’a découvert la foi en la Résurrection qu’au deuxième siècle av. J.-C. Jusque-là, on affirmait que les morts descendent au « Shéol » ; un lieu sombre dont on ne sait rien ; mais aussi curieux que cela nous paraisse aujourd’hui, c’est un sujet dont on se préoccupait peu. Car la mort individuelle n’atteint pas l’avenir du peuple ; or, pendant bien longtemps, c’est l’avenir du peuple, et lui seul, qui comptait. Quand quelqu’un mourait, on disait qu’il était « couché avec ses pères », mais on n’envisageait pas de survie possible ; en revanche la survie du peuple a toujours été une certitude puisque le peuple est porteur des promesses de Dieu. On peut dire que, pendant des siècles, on s’est intéressé au lendemain du peuple et non à celui de l’individu.

Pour croire en la Résurrection individuelle, il faut combiner deux éléments :

D’abord s’intéresser au sort de l’individu : ce qui n’était pas le cas au début de l’histoire biblique : l’intérêt pour le sort de l’individu est une conquête, un progrès tardif. Ensuite, un deuxième élément est indispensable pour que naisse la foi en la Résurrection : il faut croire en un Dieu qui  ne vous abandonne pas à la mort.

Cette certitude que Dieu n’abandonne jamais l’homme n’est pas née d’un coup ; elle s’est développée au rythme des événements concrets de l’histoire du peuple élu. L’expérience historique de l’Alliance est ce qui nourrit la foi d’Israël. Or l’expérience d’Israël est celle d’un Dieu qui libère l’homme, qui veut l’homme libre de toute servitude, qui intervient sans cesse pour le libérer ; un Dieu fidèle qui ne se reprend jamais. C’est cette foi qui guide toutes les découvertes d’Israël ; elle en est le moteur.

Cinq siècles après Ézékiel, vers 165 av. J.-C., ces deux éléments conjugués, foi en un Dieu qui libère sans cesse l’homme, découverte de la valeur de toute personne humaine, ont abouti à la foi en la résurrection individuelle ; au terme de cette double évolution, il est apparu évident que Dieu libèrera l’individu de l’esclavage le plus terrible, définitif de la mort. Cette découverte est si tardive dans le peuple juif qu’au temps du Christ, cette foi n’était pas encore partagée par tout le monde puisqu’on désignait les Sadducéens par cette précision « ceux qui ne croient pas à la résurrection ».

Il n’est bien sûr pas interdit de penser que la prophétie d’Ézéchiel dépassait sa propre pensée sans le savoir lui-même ; l’Esprit de Dieu parlait par sa bouche et maintenant nous pouvons penser « Ézéchiel ne savait pas si bien dire ».

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PSAUME  129 (130),1-8

 

1   Des profondeurs je crie vers toi, SEIGNEUR,
2   Seigneur, écoute mon appel !
     Que ton oreille se fasse attentive 
     au cri de ma prière !

3   Si tu retiens les fautes, SEIGNEUR,      
     Seigneur, qui subsistera ? 
4   Mais près de toi se trouve le pardon        
     pour que l'homme te craigne.

5   J'espère le SEIGNEUR de toute mon âme ;       
     je l'espère, et j'attends sa parole.  
6   Mon âme attend le Seigneur        
     plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.

7   Oui, près du SEIGNEUR, est l'amour ;  
     près de lui, abonde le rachat.       
8   C'est lui qui rachètera Israël         
     de toutes ses fautes.
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                   Il y a dans le psautier un ensemble de quinze psaumes qui portent un nom particulier : chacun d’eux commence par ces mots « cantique des montées ». En hébreu, le verbe « monter » est employé pour dire « Aller à Jérusalem en pèlerinage ».

                       Dans les Évangiles, d’ailleurs, l’expression « monter à Jérusalem » apparaît plusieurs fois dans le même sens : elle évoque le pèlerinage pour les trois fêtes annuelles et, en particulier, la plus importante d’entre elles, la fête des Tentes.

                         Ces quinze psaumes, donc, accompagnaient l’ensemble du pèlerinage. Avant même d’arriver à Jérusalem, ils évoquaient par avance le déroulement de la fête. Pour certains, on peut même deviner à quel moment du pèlerinage ils étaient chantés ; par exemple, le psaume 121 (122) « J’étais dans la joie quand je suis parti vers la maison du SEIGNEUR... maintenant, nous voici devant tes portes, Jérusalem... » était probablement le psaume de l’arrivée.1

              Le psaume 129 (130) est donc l’un de ces cantiques des Montées ; il était probablement chanté pendant la fête des Tentes, à l’automne, au cours d’une cérémonie pénitentielle. C’est pourquoi le vocabulaire de la faute et du pardon est relativement important dans ce psaume. « Si tu retiens les fautes, SEIGNEUR, qui donc subsistera ? »

                        Le pécheur qui parle ici, et qui supplie, certain déjà d’être pardonné, c’est le peuple qui reconnaît à la fois l’infinie bonté de Dieu, son inlassable fidélité (sa « Hessed ») et l’incapacité foncière de l’homme à répondre à l’Alliance. Ces infidélités répétées à l’Alliance sont vécues comme une véritable « mort spirituelle » : « Des profondeurs, je crie vers Toi » ; mais ce cri s’adresse à celui dont l’Être même est le Pardon : c’est le sens de l’expression « Près de toi est le pardon ».

                        Dieu est Amour et Il est Don, c’est la même chose ; or le « Par-Don » n’est pas autre chose : c’est le don « par-delà ». Pardonner, c’est continuer à proposer une Alliance, un avenir possible, au-delà des infidélités de l’autre. Rappelez-vous l’histoire de David : après le meurtre du mari de Bethsabée par le roi, le prophète Natan lui avait annoncé le pardon de Dieu avant même que David ait eu le temps d’exprimer la moindre parole de regret, ni le moindre aveu.

                        Curieusement, cette idée que Dieu pardonne toujours n’est pas du goût de tout le monde ; mais pourtant, incontestablement, c’est l’une des affirmations majeures de la Bible, et ce dès l’Ancien Testament. Et Jésus reprend avec force le même enseignement : par exemple, dans la parabole de l’enfant prodigue, chez Luc (chapitre 15), le père est là sur le chemin à attendre son fils (ce qui prouve qu’il lui a déjà pardonné) et il lui ouvre les bras avant que le fils, lui, ait ouvert la bouche. Et l’exemple du pardon de Dieu absolument gratuit nous est donné par Jésus lui-même sur la croix : ceux qui sont en train de le tuer n’ont pas eu la moindre parole de repentir et pourtant, il dit bien « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

                        C’est dans son pardon, précisément, nous dit la Bible, que Dieu révèle sa puissance. Cela encore, c’est une des grandes découvertes d’Israël ; vous connaissez cette phrase du livre de la Sagesse : « Ta force (Seigneur) est la source de ta justice, et ta maîtrise sur tous te fait user de clémence envers tous. » L’idée, c’est que quelqu’un dont le pouvoir est incontesté n’a pas besoin de l’étaler. En revanche, « Il fait montre de sa force, celui dont le pouvoir absolu est mis en doute. » (Sg 12,16-17).

                        Certains craignent que l’annonce de la miséricorde de Dieu incite au laisser-aller ; à mon avis c’est le contraire : une fois qu’on est vraiment convaincus de la tendresse et du pardon inconditionnel de Dieu, on a envie d’y correspondre et d’essayer de lui ressembler. Donc la certitude de la « miséricorde » de Dieu n’engendre chez le croyant ni présomption ni indifférence au péché, mais reconnaissance humble et émerveillée.

                        « Près de toi est le pardon pour que l’homme te craigne » : cette formule très ramassée dit  quelle doit être l’attitude du croyant face à ce Dieu qui n’est que don et pardon. Nous trouvons là encore une définition de la « crainte de Dieu » : ce n’est pas la crainte du châtiment. Toute la pédagogie de Dieu au long de l’histoire biblique cherche à nous libérer de toute peur ; car la peur n’est pas une attitude d’homme libre et Dieu veut nous libérer totalement. La « crainte de Dieu » au sens biblique, c’est une adoration pleine d’émerveillement devant la Toute-Puissance de Dieu faite seulement d’amour. « Craindre » le Seigneur, c’est l’adorer et lui faire tellement confiance qu’on fera tout son possible pour obéir à sa Loi dans la certitude que cette Loi n’est dictée que par son amour paternel.

              Cette certitude du « Par-don », du Don toujours acquis au-delà de toutes les fautes inspire à Israël une attitude d’espérance extraordinaire. Israël repentant attend son pardon « plus sûrement qu’un veilleur n’attend l’aurore ». « C’est Lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes » : nous rencontrons régulièrement dans les textes bibliques des expressions similaires. Elles annoncent à Israël sa libération définitive, la libération de toutes les fautes de tous les temps.

              Israël attend plus encore : précisément parce que le peuple de l’Alliance expérimente sa faiblesse et son péché toujours renaissant, mais aussi la Fidélité de Dieu, il attend de Dieu lui-même la réalisation définitive de ses promesses. Au-delà du pardon immédiat, c’est l’aurore définitive que ce peuple attend de siècle en siècle, qu’il « espère contre toute espérance » (comme Abraham), l’aurore du Jour de Dieu. Tous les psaumes sont traversés par l’attente messianique.

              Les Chrétiens savent encore plus sûrement que notre monde va vers son accomplissement : un accomplissement qui se nomme Jésus-Christ : « Notre âme attend le Seigneur plus sûrement qu’un veilleur n’attend l’aurore ».

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Note 

La Bible grecque a traduit « Cantiques des degrés », c’est-à-dire des « marches ». Or, un escalier de quinze marches reliait la Cour des femmes au parvis du Temple : certains en déduisent que chacun de ces quinze psaumes était chanté sur l’une des marches. Quand on imagine, au moins pour les jours de grandes fêtes, la foule innombrable qui se pressait aux abords du Temple, sur les divers parvis et sur ces fameuses quinze marches, il est hautement improbable qu’on ait pu attribuer des psaumes précis à des marches précises sauf, peut-être, pour des démarches individuelles. Il est très probable, au contraire, que ces quinze psaumes aient été composés pour accompagner l’ensemble du pèlerinage.

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LECTURE DE LA LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX ROMAINS   8, 8-11

 

       Frères,
8     ceux qui sont sous l’emprise de la chair
       ne peuvent pas plaire à Dieu.
9     Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair,
       mais sous celle de l’Esprit,
       puisque l’Esprit de Dieu habite en vous.
       Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.
10   Mais si le Christ est en vous,
       le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché,
       mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes.
11   Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts
       habite en vous,
       celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts
       donnera aussi la vie à vos corps mortels
       par son Esprit qui habite en vous.
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 « Je mettrai mon esprit en vous et vous vivrez » annonçait le prophète Ézéchiel (dans notre première lecture) ; désormais, depuis notre baptême, nous dit Paul, c’est chose faite. Il emploie une expression imagée : « L’Esprit de Dieu habite en vous ». La prenant au pied de la lettre, un commentateur de ce passage parle de « changement de propriétaire ». Nous sommes devenus des maisons de l’Esprit : c’est lui qui commande désormais.

Il serait intéressant de se demander, dans tous les secteurs de notre vie, personnelle et communautaire, qui est aux postes de commande, qui est le maître de maison chez nous, ou si vous préférez, quel est notre objectif, qu’est-ce qui nous « fait courir », comme on dit. D’après Paul, il n’y a pas trente-six solutions : ou bien nous sommes sous l’emprise de l’Esprit, c’est-à-dire que nous nous laissons guider par l’Esprit, ou bien nous ne nous laissons pas inspirer par l’Esprit et c’est ce qu’il appelle « être sous l’emprise de la chair ». Être sous l’emprise de l’Esprit, on voit bien ce que cela veut dire, il suffit de remplacer le mot Esprit par le mot Amour. Et dans la lettre aux Galates, Paul explique ce que sont les fruits de l’Esprit ; « joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi », en un mot l’amour décliné selon toutes les circonstances concrètes de nos vies.

J’ai bien dit les « circonstances concrètes » : pour Paul la vie selon l’Esprit ne veut pas dire la tête dans les nuages ; Paul est l’héritier de toute la tradition des prophètes : or tous affirment que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres ; et dans les « chants du Serviteur », Isaïe affirme très fermement que vivre selon l’Esprit de Dieu, c’est aimer et servir nos frères. Et les prophètes ont toujours des mots très durs pour ceux qui croient plaire à Dieu par des cérémonies magnifiques pendant que des pauvres meurent de faim ou de chagrin à leur porte.

Une fois définie la vie selon l’Esprit, ce qui veut dire tout simplement la vie selon l’amour, on déduit très facilement ce que Paul entend par vie selon la chair : c’est le contraire, c’est-à-dire l’indifférence ou la haine ; pour le dire autrement, l’amour c’est le décentrement de soi, la vie sous l’emprise de la chair, c’est le centrement sur soi. Ma question de tout-à-l’heure « Qui commande ici ? «  se transforme alors en « Qui est le centre de notre monde ? »

Il est clair que sous l’emprise de la chair, dans ce sens-là, c’est-à-dire centré sur soi, on ne peut pas être en harmonie avec Dieu, accordé à Dieu qui n’est qu’amour. « Sous l’emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu » dit Paul.

Au contraire, le Christ est le Fils bien-aimé en qui Dieu se complaît, c’est-à-dire qu’il est en harmonie parfaite avec Dieu précisément parce que le Christ n’est lui aussi qu’amour. Dans ce sens le récit des Tentations, que nous avons lu pour le premier dimanche de carême, était  saisissant : c’est au chapitre 4 de Matthieu. Il nous montre Jésus centré uniquement sur Dieu et sur la Parole de Dieu. Il refuse résolument de se centrer sur sa faim ni même sur les besoins de sa mission de Messie :

Première tentation : après quarante jours de jeûne, Jésus a faim... la tentation n’est pas là, bien sûr. Avoir faim au bout de quarante jours de jeûne, c’est normal, c’est même plutôt bon signe ! La tentation, c’est d’exiger de Dieu un miracle pour son bénéfice personnel, c’est de se prendre pour le centre du monde, si j’ose dire. « Ordonne à ces pierres de devenir des pains » lui susurre le tentateur, le diviseur. Jésus préfère mettre la Parole au centre du monde et de sa vie « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Le fruit de l’Esprit, c’est la maîtrise de soi, la patience, dit Paul.

Deuxième tentation : « Jette-toi du haut du Temple, Dieu sera bien obligé de te protéger » ; réponse de Jésus : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Le fruit de l’Esprit, c’est la confiance en Dieu.

Troisième Tentation : « Détourne-toi de Dieu, prosterne-toi devant moi, tu seras le maître des royaumes de la terre » ; mais Jésus est complètement centré sur son Père et non sur ce qu’il pourrait obtenir pour lui : « Le Seigneur ton Dieu tu adoreras, c’est à lui seul que tu rendras un culte ». Le fruit de l’Esprit qui les résume tous, c’est l’amour, dit encore Paul.

Si ce texte des tentations nous est proposé chaque année en début de Carême, c’est parce que le temps du Carême est justement une entreprise de décentrement de nous-mêmes pour nous centrer sur les autres et sur Dieu.

Un peu plus loin dans cette même lettre aux Romains, Paul dit que l’Esprit de Dieu fait de nous des fils, c’est lui qui nous pousse à appeler Dieu-Père ; j’ai envie de dire « tel Père, tel fils ».  Ce qui en nous est amour vient de Dieu, c’est notre héritage de fils. « L’Esprit est votre vie » dit encore Paul. Traduisez « l’amour est votre vie » ; d’ailleurs, nous savons tous d’expérience que seul l’amour est créateur.

Tandis que ce qui n’est pas amour ne vient pas de Dieu et parce que cela ne vient pas de Dieu, c’est voué à la mort. La très bonne nouvelle de ce texte d’aujourd’hui, c’est que tout ce qui en nous est amour vient de Dieu et donc ne peut mourir. Comme dit Paul, « Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ».

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ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT JEAN  11,1-45

 

       En ce temps-là,
3     Marthe et Marie, les deux sœurs de Lazare,
       envoyèrent dire à Jésus :
       « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
4     En apprenant cela, Jésus dit :
       « Cette maladie ne conduit pas à la mort,
       elle est pour la gloire de Dieu,
       afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
5     Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
6     Quand il apprit que celui-ci était malade,
       il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait.
7     Puis, après cela, il dit aux disciples :
       « Revenons en Judée. »

17   À son arrivée,
       Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
20   Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus,
       elle partit à sa rencontre,
       tandis que Marie restait assise à la maison.
21   Marthe dit à Jésus :
       « Seigneur, si tu avais été ici,
       mon frère ne serait pas mort.
22   Mais maintenant encore, je le sais,
       tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
23   Jésus lui dit :
       « Ton frère ressuscitera. »
24   Marthe reprit :
       « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
25   Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie.
       Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ;
26   quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
27   Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois :
       tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
33   Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé,
34   et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? »
       Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. »
35   Alors Jésus se mit à pleurer.
36   Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »
37   Mais certains d’entre eux dirent :
       « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle,
       ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
38   Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau.
       C’était une grotte fermée par une pierre.
39   Jésus dit : « Enlevez la pierre. »
       Marthe, la sœur du défunt, lui dit :
       « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
40   Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ?
       Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
41   On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :
       « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé.
42   Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ;
       mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure,
       afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
43   Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
44   Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes,
       le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit :
       « Déliez-le, et laissez-le aller. »
45   Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie
       et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
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             Nous avons pris l’habitude d’appeler ce passage « la résurrection de Lazare », mais, soyons francs, ce n’est pas le terme qui convient ; quand nous proclamons  « Je crois à la résurrection des morts et à la vie éternelle », il s’agit de bien autre chose

          La mort de Lazare n’a été qu’une parenthèse en quelque sorte dans sa vie terrestre ;  sa vie après le miracle de Jésus a repris son cours ordinaire, et elle a dû être à peu de choses près la même après qu’auparavant. Lazare a eu seulement en quelque sorte un supplément de vie terrestre. Son corps n’était pas transformé et il a dû mourir une seconde fois ; sa première mort n’a pas été ce qu’elle sera pour nous, c’est-à-dire le passage vers la vraie vie.

          Mais alors, du coup, on peut se demander à quoi bon ? En faisant ce miracle, Jésus a pris de grands risques pour lui-même parce qu’il ne s’était déjà que trop fait remarquer... et quant à Lazare cela n’a fait que reculer l’échéance définitive.

          C’est saint Jean qui répond à notre question « à quoi bon ce miracle ? » ; il nous dit c’est un  signe très important : Jésus est manifesté là comme celui en qui nous avons la vie sans fin et en qui nous pouvons croire, c’est-à dire sur qui nous pouvons miser notre vie.

          Et d’ailleurs, les grands prêtres et les Pharisiens ne s’y sont pas trompés : ils ont fort bien compris la gravité du signe que Jésus avait donné là : d’après saint Jean, toujours, trop de gens se mirent à croire en Jésus à la suite de la résurrection de Lazare, et c’est là qu’ils décidèrent de le faire mourir.  

          C’est donc ce miracle qui a signé l’arrêt de mort de Jésus ; évidemment, quand on y réfléchit deux mille ans plus tard, on se dit que c’est un comble : être capable de rendre la vie, cela méritait la mort ; triste exemple des aberrations où nous mènent parfois nos certitudes...

          Revenons au récit de ce que je vous propose d’appeler le « réveil de Lazare » car il ne s’agit pas d’une véritable résurrection comme celle de Jésus, il s’agit plutôt d’un supplément de vie terrestre. Je ferai seulement deux remarques :

          Première remarque : pour Jésus, la seule chose qui compte, c’est la gloire de Dieu ; mais pour voir la gloire de Dieu, il faut croire (« Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » dit-il à Marthe). Dès le début du récit, alors qu’on vient d’annoncer à Jésus « Seigneur, celui que tu aimes est malade », il dit à ses disciples : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu », c’est-à-dire la révélation du mystère de Dieu. Non pas que la manifestation de la gloire de Dieu soit une récompense pour bien-pensants ou bien-croyants ; mais quand nous ne sommes pas dans une attitude de foi, tout se passe comme si nous laissions notre regard s’obscurcir par le soupçon, la méfiance, c’est comme si nous mettions des lunettes sombres, nous ne voyons plus la lumière. La foi nous ouvre les yeux, elle fait sauter ce bandeau de la méfiance que nous avions mis sur nos yeux.

            Deuxième remarque : la foi en la résurrection franchit là sa dernière étape : à propos du texte d’Ézéchiel qui nous est proposé en première lecture pour ce cinquième dimanche de Carême, nous avions vu que la foi en la résurrection est apparue très tardivement en Israël ; elle n’est affirmée très clairement qu’au deuxième siècle av. J.-C. à l’occasion de la terrible persécution du roi grec Antiochus Épiphane ; et à l’époque du Christ, elle n’est même pas encore admise par tout le monde. Marthe et Marie, visiblement, font partie des gens qui y croient. Mais, dans leur idée, il s’agit encore d’une résurrection pour le dernier jour ; quand Jésus dit à Marthe « Ton frère ressuscitera », Marthe répond : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection ». Jésus rectifie : il ne parle pas au futur, il parle au présent : « Moi, je suis la résurrection et la vie... Tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais... Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » À l’entendre, on a bien l’impression que la Résurrection, c’est pour tout de suite. « Je suis la résurrection et la vie » : cela veut dire que la mort au sens de séparation de Dieu n’existe plus, elle est vaincue dans la Résurrection du Christ. Avec Paul les croyants peuvent dire « Mort, où est ta victoire ? » Non, rien désormais ne nous séparera de l’amour du Christ, même pas la mort.

 

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