Publié par Paroisse de Genlis

Une lettre du Père Jean-Louis Portay, curé de nos paroisse et le commentaire des lectures de la messe.

 

En ce 3ème dimanche de Pâques, je vous fais part d’un commentaire de l’évangile de ce dimanche. C’est l’évangile selon Luc sur les pèlerins d’Emmaüs.

C’est aussi le récit de notre cheminement dans ce monde, avec la rencontre du Seigneur qui se dévoile à ceux qui veulent bien le reconnaître. Notre chemin aujourd’hui, prend des formes quelque peu compliquées, inédites, qui nous font réfléchir ; au dernières nouvelles le déconfinement commencerait à être effectif le 11 mai dans certains domaines (commerces, écoles…). En ce qui concerne la reprise des cultes, ce ne serait pas avant mi-juin. Pas très logique, mais des prêtres et des évêques  se mobilisent pour que cela puisse se faire plus rapidement. Encourageons-les par nos prières.

Pour l’instant tout est donc encore suspendu (baptêmes, mariages, réunions, 1ère communions, profession de foi…) dans le courant de la semaine prochaine on pourrait peut-être avoir des infos plus précises qui pourraient nous permettre d’établir un programme.

Bon dimanche à tous et à bientôt de se rencontrer même si on doit garder nos distances pour ne pas transmettre le virus mais suffisamment près pour pouvoir évangéliser.

Père Jean-Louis

Commentaire des lectures de la messe

 

Les marcheurs

 Dans les quatre évangiles, nous voyons fréquemment Jésus en route. Mais c’est plus fréquent dans l’évangile selon saint Luc. Jésus, comme la plupart de ses contemporains, ne s’est déplacé qu’à pied. Mais lui, plus que les autres, parce qu’il n’avait pas de domicile fixe et qu’il a dû être considéré, probablement, comme un sans-abri. Ce qui n’était pas gênant à l’époque, étant donné la tradition d’hospitalité qui existait chez tous ses concitoyens. Donc, il n’est pas très étonnant que l’on rencontre Jésus sur la route, le jour même de sa résurrection. Mais en relisant saint Luc on a l’impression que ce fut, pour lui, l’essentiel de ce qu’il avait à faire ce jour-là.

Quand ils font référence à l’épisode d’Emmaüs, la plupart du temps les artistes peignent le repas dans l’auberge du village. Or, ce n’est qu’un aspect du récit, et pas le plus important. Le long cheminement de Jésus incognito en compagnie de deux disciples dont on ne sait pratiquement rien est l’élément le plus parlant. 11 kilomètres, plus de deux heures de marche. Voilà, dans le chapitre de l’évangile de Luc concernant la résurrection, le moment central. Luc ne consacre à l’événement qu’un court chapitre : après avoir rapporté la visite des femmes au tombeau vide, il passe directement à la marche vers Emmaüs (ce qui occupe la plus grande partie du chapitre) et enfin, il raconte brièvement l’apparition de Jésus au Cénacle, avant de terminer en faisant mention de son ascension. On ne peut pas faire plus condensé.

Bonne nouvelle

En ce qui concerne, par contre, l’apparition aux disciples d’Emmaüs, Luc tient à être plus explicite. C’est que son Evangile n’est pas un reportage, comme tous les évangiles d’ailleurs, mais l’annonce d’une Bonne Nouvelle, et que c’est en cet épisode que se trouve précisé l’essentiel de la Bonne Nouvelle : le Christ est vivant. Il marche avec nous sur nos routes humaines. Luc rédige son livre une quarantaine d’années après l’événement de Pâques, et donc il s’adresse à des chrétiens qui sont invités à croire sans avoir vu, ceux de sa génération, et nous aujourd’hui. Il tient à nous préciser dans un récit haut en couleur, et en la personne de deux pèlerins anonymes, l’extraordinaire mutation qui s’est faite ce jour-là, et qui continue de s’opérer chez celles et ceux qui marchent sur le chemin de la foi.

Voilà donc deux disciples qui quittent Jérusalem. Ils n’ont plus rien à y faire. Ils avaient suivi Jésus avec l’espoir de participer à une révolution (« nous espérions, disent-ils, qu’il était celui qui allait délivrer Israël » sous-entendu : de la domination romaine) Or ils ont assisté à un fiasco. Ce n’était pas exactement le scénario qu’ils avaient imaginé. Désillusionnés, ils discutent entre eux (le terme grec est plus précis : ils se disputent), c’est la division, le désaccord final ; ils sont membres de ce groupe dont Jésus avait prédit que « le troupeau sera dispersé ».

Ces deux disciples sont un condensé de ce que ressentent aujourd’hui beaucoup de chrétiens de nos vieilles Eglises du monde Occidental. Et on pourrait dresser un tableau particulièrement sombre de la situation actuelle. Pas nécessaire d’entrer dans le détail : chacun de nous, à sa mesure, peut dresser un constat réaliste de la situation. C’est à partir de ce constat que le mystérieux compagnon de notre route humaine intervient. On ne le reconnaît pas, mais si nous sommes attentifs, il va éclairer nos intelligences et réchauffer nos cœurs, et donc nous aider à repartir avec confiance et joie, comme il le fit pour les deux disciples, même si ceux-ci, sur le moment, ne le reconnurent pas.

L'intelligence des Ecritures

Il faudrait insister sur ce premier aspect. Ce qu’on appelle l’intelligence des Ecritures. Vous avez peut-être une Bible – ou tout au moins les Evangiles – à la maison. Est-ce que vous vous en servez ? Et comment ? Je pense bien souvent à ce que raconte saint Luc dans son deuxième livre, les Actes des Apôtres. C’est l’histoire de cet Ethiopien qui rentre de pèlerinage à Jérusalem et qui, sur son char, lit le livre d’Isaïe. La scène se situe dans la bande de Gaza (vous connaissez !) L’Esprit Saint invite Philippe, l’un des Sept, à rejoindre l’Ethiopien. Philippe demande à l’Ethiopien s’il comprend ce qu’il lit, et l’autre, de lui répondre : « Et comment pourrais-je comprendre, si personne ne m’explique ? » Il en est de même pour chacun de nous. Les Ecritures nous seront utiles – et même indispensables – pour comprendre les événements et tenir debout dans ce monde déboussolé, si nous prenons le moyen pour parvenir, dans un réel cheminement avec Jésus, à l’intelligence des Ecritures. Sinon, elles risquent de rester lettre morte, mal comprises.

Les deux disciples perplexes et attristés nous rappellent donc l’Ethiopien qui, lui aussi, a été rejoint sur la route par un inconnu. Dans les deux situations, il faut quelqu’un qui « ouvre l’esprit » de ceux qui cherchent : Philippe le fait pour l’Ethiopien de la même manière que Jésus, dont il est l’envoyé, l’a fait pour les deux disciples sur la route d’Emmaüs. Le récit du livre des Actes se termine par le baptême de l’Ethiopien, et le récit d’Emmaüs par l’eucharistie. Voilà deux manières de dire la genèse de la foi pascale : Jésus est cet étranger qui nous rejoint dans les ténèbres de notre aveuglement. « Nos yeux sont empêchés de le reconnaître », mais nous avons les Ecritures, les sacrements, la communauté des croyants pour que notre cœur devienne tout brûlant en chemin.

Une catéchèse

Donc ce récit, qui a probablement un fondement historique, se présente plus nettement comme une catéchèse. Luc nous décrit sans doute la vie de la première communauté chrétienne, mais également la vie de toute communauté chrétienne – ou tout au moins de ce qu’elle devrait être – une communauté qui poursuit ses occupations ordinaires après la mort et la résurrection de Jésus, mais qui continue de ressentir sa présence, premièrement à travers le partage de la Parole et la catéchèse, deuxièmement à travers la fraction du pain et troisièmement à travers la profession de foi. Pratiquement, c’est ce que nous faisons le plus habituellement lorsque nous célébrons ensemble l’Eucharistie du dimanche.

Mais ce n’est pas uniquement la communauté qui est concernée par ce récit : c’est chacun de nous, qui cheminons sur la route. Ne nous est-il jamais arrivé de nous sentir découragés, et même désabusés, dans notre vie chrétienne ou plus généralement dans notre vie. Ne nous arrive-t-il pas de voir notre foi s’estomper et de penser que même elle disparaît ? N’avons-nous jamais éprouvé même l’angoisse de ne plus croire ? Luc nous révèle que nos défaillances ne sont ni anormales ni vouées à la catastrophe. Ah ! si nous pouvions nous rendre compte qu’en réalité nous sommes en train de passer d’une foi naïve, plus ou moins enfantine, à une foi plus authentique.

Mais ce n’est jamais fini. On n’est jamais arrivé. Il y a simplement des étapes ; L’auberge d’Emmaüs est simplement l’une de ces étapes. On reconnaît la présence du Seigneur… et il disparaît. On repart tout joyeux vers Jérusalem : il s’agit d’annoncer à tous la joyeuse nouvelle ; mais, si vous lisez dans la Bible la suite du récit, cette joie triomphale relatée au verset 32 disparaît dès le verset 37 et se change en « stupeur et effroi » lorsque Jésus apparaît aux Onze ; « Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ? » demande Jésus. Si les Evangiles ont tenu à nous faire part de tous ces doutes et de toutes ces faiblesses de la part de témoins oculaires, c’est pour que jamais nous ne soyons surpris d’en éprouver de semblables.

Les disciples d’Emmaüs sont nos précurseurs. Aussi bien dans le doute que dans la perpétuelle démarche de foi. Aux heures de détresse et de solitude, il faut nous rappeler ces jours où « notre cœur était brûlant » de la présence divine. Nous avons trois points d’appui dans notre route de croyants qui n’ont jamais vu Jésus : l’Ecriture, dont Jésus nous ouvre l’intelligence, le partage du pain, symbole de notre fraternité, et la communauté des croyants, l’Eglise, en souhaitant qu’elle n’ait jamais qu’un cœur et qu’une âme.

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